Le développement du travail à distance et des rythmes dits « hybrides », allié aux exigences de sobriété qui déferlent, risquent fort de faire une victime pas forcément consentante : le bureau individuel. Maintes fois annoncée et questionnée, la fin de cet espace de travail très spécifique qu’est le bureau individuel, forteresse assiégée depuis plus d’une vingtaine d’années mais qui oppose une belle résistance, notamment dans notre pays, a toutes les chances de se produire dans la décennie qui vient.
D’abord, rendons hommage à ce lieu de travail tout à fait particulier. Le bureau individuel est en effet assez unique dans l’histoire de nos sociétés. C’est le seul lieu de travail qui emporte autant de force symbolique, notamment celle du pouvoir mais aussi de son appartenance, et qui lie aussi intimement un individu et son espace de travail. Les autres lieux de travail, qu’ils soient industriels, logistiques, commerciaux, agricoles… sont beaucoup plus collectifs par nature, même si le rapport de l’agriculteur à sa terre a quelque chose d’au moins aussi, sinon plus, intime. Mais l’agriculteur possède souvent sa terre, ce qui n’est pas le cas des salariés avec leur bureau. Pourtant, avoir « son » bureau individuel demeure un « must ». Et quand on interroge les employés de bureau aujourd’hui pour leur demander quel serait leur lieu de travail idéal, devinez ce qu’ils répondent ?
Oui mais voilà, alors que nous devions tous supporter l’enfer quotidien des grandes villes et de leurs embouteillages, un satané virus a réussi l’impensable : faire prendre conscience à des millions de navetteurs-zombies et à leurs dirigeants (c’est finalement là que se trouve le plus grand tour de force) qu’il était tout à fait possible de travailler à distance, et de le faire bien !
Un sacré coup de boutoir dans un pays où plus de 60% des employés de bureau possèdent encore leur poste de travail attitré, parmi lesquels 30% dans un espace individuel fermé. Evidemment, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le développement du travail hybride s’accompagnera du développement de l’espace de travail partagé. Les chiffres sont éloquents : aujourd’hui, la demande des grands utilisateurs est en recul, en moyenne, de 30% par rapport aux surfaces qu’ils auraient demandé trois ans plus tôt pour le même nombre de salariés concernés.
Et voilà que, la guerre contre le virus semblant en passe d’être gagnée, une autre guerre, déclenchée à l’autre bout de l’Europe, vient sonner la mobilisation générale pour la sobriété énergétique. Ce qu’une décennie d’alertes du GIEC n’aura pas réussi à enclencher, Vladimir Poutine l’aura fait au prix d’une folie meurtrière. A croire que les crises doivent se nourrir les unes des autres pour accélérer leur résolution…
Dans ce contexte, évidemment, chacun comprendra qu’il serait incompréhensible de continuer à chauffer, éclairer, nettoyer des espaces occupés, en moyenne, 26% du temps. Sans compter qu’avec le renchérissement des prix de l’énergie, faire des allers-retours quotidiens coûte de plus en plus cher. Aux Etats-Unis, une enquête indique que rester travailler chez soi quelques jours par semaine permettrait d’économiser jusqu’à 5000 € chaque année ! Voilà qui ne va pas aider à repeupler des bureaux devenus bien déserts les lundis et vendredis et va pousser encore un peu plus la logique de mutualisation, même là où le prix du mètre carré n’était pas un facteur de motivation.
Bref, nous assistons, sans aucun doute cette fois, à la fin programmée des bureaux individuels. Il y a fort à parier qu’ils seront l’exception à la fin de la décennie qui vient et cela aura des conséquences sur la culture managériale, les relations de travail, l’organisation du travail et la relation à son entreprise. Car il ne s’agit pas que d’espace, loin de là. Tout le monde en a-t-il bien conscience ?
Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une belle semaine hybride et vous donne rendez-vous très vite pour sa table-ronde consacrée… au travail hybride et à la façon d’accompagner la transition (lien ci-dessous pour recevoir le replay dès sa sortie !).
Lionel Cottin
Directeur de la rédaction
Lien pour recevoir le replay de la table-ronde « Travail hybride : comment accompagner la transition ? » : Microsoft Forms
