Travail et métavers : un vide juridique inquiétant !

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Dans une récente tribune, Benoit Sevillia, avocat associé Drouot avocats, membre d’Avosial et Andréa Jacquier, élève avocat, s’interrogent sur les règles qui devront s’appliquer si la tendance au développement d’environnements de travail virtuels dans le métavers se confirmait.

Pour les auteurs, le métavers dépasse le modèle hybride présentiel-distanciel et pose des questions nouvelles en matière de droit du travail, liées notamment au statut juridique des personnes virtuelles, qu’elles soient l’employeur ou le salarié : qui rémunère ? qui sanctionne ? quelle responsabilité ? pour qui ?

Les deux auteurs rappellent ainsi qu’en droit du travail, la loi applicable est celle de l’État dans lequel le salarié accomplit habituellement son travail (Règlement Européen n° 593/2008 du 17 juin 2008). Or, le métavers étant par définition immatériel, la question de la loi applicable se posera nécessairement. Quelle loi s’appliquerait au salarié qui serait physiquement dans un autre État que celui dans lequel il travaillerait ou participerait à une réunion via son avatar ?

Pour Benoît Sevillia et Andréa Jacquier, il parait difficile de reconnaître aux avatars la personnalité juridique puisqu’ils ne sont qu’une copie numérique de l’utilisateur qui le contrôle. Comment, s’interrogent-ils, pourrait-on reconnaitre des droits aux avatars des salariés ou de l’employeur qui sont les figures centrales de toute relation de travail ? Comment et par quel moyen des sanctions pourraient-être prononcées ? Comment articuler les délais qui s’imposent en matière de licenciement avec ce nouveau modèle ?

Et les auteurs de continuer : si le « méta-salarié » ne sera plus contraint de travailler dans les locaux de l’entreprise, aura-t-il pour autant un lieu de travail fixe, qui constitue pourtant un élément essentiel du contrat de travail ?

Dans ce contexte, les avocats imaginent que de nombreux sujets devront être repensés : la mise à disposition d’un espace de travail, la fourniture des équipements de travail, la prise en charge des frais professionnels ou des trajets jusqu’au lieu de travail…

Les auteurs reconnaissent que personne ne saurait dire si le droit actuel aura vocation à s’appliquer au monde du métavers : s’appliquera-t-il aux utilisateurs personnes physiques, indépendamment du fait qu’ils contrôlent leur avatar, ou s’appliquera-t-il directement à l’avatar en tant que nouveau sujet de droits et d’obligations ? Et quid des droits et obligations attachés à la personne humaine, notamment en termes de bien-être au travail ?

La réflexion développée par les auteurs n’est pas qu’une vue de l’esprit : ils imaginent, à juste titre, que les perspectives de réduction de coûts seront un puissant appel d’air en faveur de ces espaces de travail virtuels.

Ils rappellent ainsi que la société META (Groupe FACEBOOK) a d’ores et déjà commencé à explorer le monde du métavers et qu’elle compte recruter plus de 10.000 personnes pour déployer cette nouvelle technologie immersive.