EDITO : Va-t-on vraiment vers un bureau « comme à la maison » ?

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Avant la pandémie et la généralisation des environnements de travail virtuels, les employés faisaient souvent de leur bureau une deuxième maison : un pull accroché au dossier d’une chaise, la tasse préférée près du clavier, une pile de livres empilés derrière l’écran.

La recherche en psychologie explique bien pourquoi certains employés peuvent ressentir le besoin de personnaliser leur espace de travail. « La recherche a montré que plus « l’identité de lieu » d’un employé augmente, plus il s’attache à l’entreprise », explique Sunkee Lee, professeur adjoint de théorie et stratégie organisationnelles à la Tepper School of Business de l’Université Carnegie Mellon, à Pittsburgh, aux États-Unis. « Ils ont le sentiment que le bureau est plus personnalisé et, par conséquent, qu’il ressemble davantage à leur propre espace. Cela conduit à plus de satisfaction et, globalement, à plus de productivité. »

En effet, certaines recherches montrent que la personnalisation nourrit la routine, ce qui stabilise le flux de travail et conduit à une créativité accrue. Il existe même des recherches selon lesquelles les photos de famille sur les bureaux peuvent rendre les employés inconsciemment plus honnêtes. Selon le professeur Lee, la personnalisation permet également d’exprimer sa personnalité et d’amorcer une conversation entre collègues, ce qui contribue à stimuler la motivation des employés.

Oui mais voilà, avec le développement du travail hybride, c’en est fini du travail au bureau tous les jours de 9h à 17h pour de nombreux employés. Avec l’essor du « flexoffice », les collaborateurs doivent souvent partager des postes de travail, débarrasser leur bureau et ramener tout ou partie de leurs effets personnels chez eux à la fin de la journée. Loin donc du bureau « comme à la maison » qu’on nous vante depuis déjà quelques années…

Des chercheurs américains des universités d’Arizona et de Californie et de la Direction fédérale des Services Administratifs (GSA) ont récemment recommandé aux employeurs de tenir compte de la personnalité de chaque travailleur dans le cadre d’une « approche centrée sur l’employé » pour la conception des espaces de travail.

Les chercheurs ont examiné les données du projet de recherche « Wellbuilt for Wellbeing » de la GSA, étudiant plus de 270 employés de bureau adultes dans quatre bâtiments fédéraux. Les employés portaient des capteurs de suivi de la santé et répondaient à des questions envoyées à leurs smartphones qui évaluaient leurs sentiments à des moments donnés.

Les résultats montrent que les collaborateurs qui se sont identifiés comme étant plus extravertis ou recherchant une interaction sociale, ont montré plus de satisfaction et de concentration dans les bureaux avec des espaces plus ouverts. A contrario, les employés plus introvertis se disaient plus heureux et concentrés dans des espaces plus privés.

Faut-il, dès lors, réintroduire les photos de familles et le bureau attitré pour parachever l’avènement d’un bureau « comme à la maison », qui ne serait en fait qu’un retour à ce qui se faisait avant l’explosion du travail à distance ? Ce serait évidemment trop simple…

A l’heure de l’urgence climatique et où le taux d’occupation moyen d’un bureau dans le monde tourne autour de 30% (avec un taux moyen à moins de 10% le vendredi…), comment justifier de chauffer, éclairer, entretenir et équiper des surfaces vides la plupart du temps ?

Certains experts expliquent donc que dans ce nouveau monde du travail, la solution pour rendre le bureau moins impersonnel consiste en un recalibrage de la fonction du lieu de travail et une réflexion sur ce que signifie réellement un espace convivial et personnalisé pour les travailleurs à l’ère hybride. Dans ce contexte, ce n’est plus la table de bureau qui doit servir d’ancrage, mais l’espace dans son ensemble qui doit offrir l’expérience qui sied le mieux au collaborateur. Des espaces inclusifs et très variés, adaptés à tous les styles de personnalités, et la possibilité, tout de même, de conserver ses affaires sur place, aujourd’hui dans des casiers souvent petits et pas toujours nominatifs, demain, espérons-le, dans un contenant personnalisable et plus empathique.

Le bureau « comme à la maison » est une belle idée et la recherche en montre tous les bienfaits pour l’entreprise comme pour le salarié. Il faut juste prendre conscience que cela implique de considérer chaque typologie d’individus en amont des projets bien plus fortement qu’auparavant et être en mesure de leur proposer l’expérience de travail qui leur convient le mieux, avec quelques attentions pour leur faire sentir qu’ils sont les bienvenus et font partie du collectif. Certains projets en cours ouvrent la voie et s’engagent sur ces réflexions mais, avouons-le, il y a encore du chemin à parcourir…

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Lionel Cottin
Directeur de la rédaction