[EDITO] Tiers-lieux de proximité, l’équation impossible ?

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Il y a une quinzaine d’année, nous étions quelques-uns à regarder avec intérêt le vaste programme de tiers-lieux de proximité initié par la ville d’Amsterdam. A l’époque, le projet visait une centaine de tiers-lieux répartis dans les différentes banlieues de la ville et anticipait une demande croissante de lieux de travail à proximité de leurs domiciles de la part de travailleurs de plus en plus nomades. Dix ans plus tard, il ne restait presque rien de cet ambitieux programme et les tiers-lieux ont envahi les centres-villes, y compris celui d’Amsterdam. Que s’est-il passé ?

Le cas du projet de la ville d’Amsterdam n’est d’ailleurs pas le seul exemple des espoirs déçus de voir les tiers-lieux proliférer près des grands centres résidentiels. En 2014, Nexity, avec sa marque Blue Office, avait fait le pari d’un développement de la demande pour des bureaux de proximité. A l’époque, la marque avait développé un ambitieux programme, avec des ouvertures de centres de plusieurs milliers de mètres carrés à Massy, Alfortville, Noisy-le Grand ou encore Maisons Laffitte. L’objectif annoncé était d’ouvrir une vingtaine de sites à horizon 2020. Là aussi les espoirs ont été douchés, la demande s’étant portée sur des sites plus centraux, et non sur des espaces proches des lieux d’habitation des collaborateurs.

Cela pousse à se poser la question, centrale, de la raison pour laquelle nous sommes prêts à « aller au bureau ». Car dans cette expression, qui paraît si triviale, sont embarquées plusieurs dimensions, qui toutes jouent un rôle dans l’action. Évidemment, il y a le temps de trajet, de plus en plus repoussoir dans les grandes agglomérations, mais aussi la motivation liée à l’intérêt de son travail, la qualité de ses relations au travail, la qualité du lieu de travail et les injonctions de toute nature, qui requièrent notre présence sans que, parfois, elles soient toujours justifiées… Car oui, nous sommes bien entrés dans l’ère de la justification du temps de présence au bureau, mais c’est une autre histoire.

Pour en revenir aux tiers-lieux de proximité (hors centre-ville) et à la difficile équation économique qui leur est attachée, je note que certains acteurs, promoteurs et opérateurs de coworking, n’ont pas abandonné l’idée de voir ce marché se développer à l’ère du travail dit hybride. La plupart testent le concept du mini-espace de coworking à proximité des banlieues résidentielles, implanté sur quelques dizaines de mètres carrés et centré sur les espaces de réunion, qui représentent, de fait, 70% des réservations d’espaces flexibles selon le cabinet Savills. Ces acteurs, souvent issus de la promotion, avouent eux-mêmes ne pas être persuadés de la rentabilité du concept mais, si ce marché venait à se développer, il faudra avoir été présent très tôt pour le capter.

WeWork, une fois n’est pas coutume, a choisi une autre option. Tout juste convalescent, l’opérateur star du coworking vient d’annoncer son premier partenariat avec un promoteur de programmes résidentiels, Cedar Street. Grâce à cet accord, WeWork occupera environ 2.500 mètres carrés d’espaces flexibles dans l’ancien siège de 12 étages de la Bridgeview Bank de Chicago. Simultanément, Cedar Street réaménagera une partie du bâtiment pour y intégrer 176 appartements. En apportant des solutions de travail flexibles directement au cœur d’immeubles résidentiels, les deux partenaires espèrent capter ce marché espéré depuis plus de quinze ans.

Les compères ne se lancent pas n’importe comment, ni n’importe quand. Ils ciblent les quartiers résidentiels dont les temps de trajet sont les plus longs pour rejoindre les grands centres tertiaires. Et l’annonce survient alors que WeWork signale une forte augmentation de la demande de bureaux flexibles à Chicago. En fait, la société a indiqué que ses réservations « All Access » avaient augmenté de 147 % de janvier à juillet de cette année. Cela valait bien de prendre quelques risques. On ne se refait pas !

Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une belle semaine et vous donne rendez-vous très vite pour sa table-ronde intitulée « Comment renforcer l’aspect sociétal de ses prestations ? » (pour recevoir le replay en exclusivité, écrire à mcleguellaut@agoramanagers.fr).

Lionel Cottin
Directeur de la rédaction

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