[EDITO] Restauration : travail hybride, inflation et manque d’attractivité créent un cocktail explosif !

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Les temps sont durs pour la restauration d’entreprise.

La filière a été très affectée par la pandémie et ses conséquences, notamment le développement du télétravail. Même si cela faisait plusieurs années que les opérateurs constataient une baisse de fréquentation inquiétante sur les sites (notamment le mercredi, jour de RTT…), l’évolution brusque vers un travail hybride qui voit des millions de salariés rester chez eux deux ou trois jours par semaine a des conséquences ravageuses. Imaginez que le taux moyen de présence au bureau, au niveau mondial, est tombé à… 26% ! Il y a certes encore des pics de fréquentation les mardis et jeudis mais le vendredi devient franchement problématique, avec des taux de présence qui s’effondrent, situés entre 5 et 15% des effectifs présents selon les cas… Le phénomène est encore plus marqué dans les grands quartiers tertiaires qui voient nombre de restaurants de rue fermer. La City de Londres a ainsi perdu 14% de ses restaurants contre 5% dans les zones moins affectées par le télétravail.

Résultat : les opérateurs souffrent et les marges s’écroulent. Elior, l’un des majors du secteur, vient d’annoncer une nouvelle perte de 266 millions d’euros sur le seul premier semestre 2022, conséquence d’une dépréciation d’actifs en France, en Espagne et aux Etats-Unis. Un défi pour le groupe Derichebourg, nouvel actionnaire principal de l’opérateur.

Pour ne rien arranger, les spécialistes de la restauration d’entreprise voient leurs marges encore plus mises sous pression en raison de la forte inflation. Début août, l’Insee révélait que les prix ont grimpé de 6,1 % sur un an dans la restauration du fait de l’augmentation des prix des matières premières, du transport et de l’énergie. Une hausse que les opérateurs peinent à répercuter à leurs clients et qui pèse sur leur rentabilité.

Enfin, pour couronner le tout dans ce contexte déjà tendu, les sociétés de la restauration d’entreprise font face, comme toute la filière, au manque d’attractivité de leurs métiers. Horaires décalés, coupures et travail le soir ou le week-end, associés à des rémunérations jugées trop faibles et des perspectives d’évolution professionnelle quasi-nulles, ont conduit de nombreux salariés à se tourner vers d’autres secteurs ou à entamer des reconversions professionnelles. La pénurie est telle que les affichettes expliquant que « le restaurant est fermé par manque de personnel » fleurissent sur les devantures. Une pénurie qui touche aussi les restaurants d’entreprise, mais dans une moindre mesure que la restauration commerciale, du fait de leurs horaires calqués sur la semaine de travail « classique » (mais qu’est-ce qu’une semaine de travail « classique » aujourd’hui ?).

Evidemment, ces difficultés créent des remous au plus haut niveau au sein de ces entreprises. Elior avait ainsi dû faire face au départ surprise, début mars, de Philippe Guillemot, pourtant tout juste renouvelé dans ses fonctions, chez le fabricant de tubes Vallourec. Chez Sodexo, c’est Denis Machuel qui avait été remercié, accusé de ne pas mener suffisamment rapidement la transformation du groupe.

Elior a finalement décidé de nommer Bernard Gault, ancien administrateur indépendant qui avait pris la direction générale par intérim de la société, au poste de PDG. Il devra poursuivre le plan de redressement des marges et piloter la phase de revue des options stratégiques au sein du conseil d’administration. Du côté de Sodexo, le conseil d’administration, ne trouvant pas chaussure à son pied, a fini par confier tous les pouvoirs à Sophie Bellon, fille du fondateur Pierre Bellon, qui avait, elle aussi, assuré l’intérim.

Ces valses hésitations trahissent la fébrilité qui a gagné tout le secteur de la restauration d’entreprise qui fait face à un cocktail d’autant plus explosif que ses ingrédients seront durables. Si l’on peut espérer un retour au calme sur le front de l’inflation dans les dix-huit mois à venir, les défis que représentent le développement du travail hybride et le manque d’attractivité du secteur sont, eux, beaucoup plus sérieux car structurels.

L’heure d’une profonde transformation a sonné pour le secteur de la restauration d’entreprise. Les remises en question vont devoir être parfois radicales. Cette mutation se fera nécessairement avec les décideurs de l’environnement de travail. Voilà un nouveau gros bout de pain sur la planche déjà bien garnie de nos DET !

Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une excellente semaine et vous donne rendez-vous le 20 septembre prochain pour parler des leviers d’optimisation de son poste immobilier. Nous vous espérons nombreux devant l’écran, en direct, dès 9h30.

Lionel Cottin
Directeur de la rédaction d’ANews WorkWell