[EDITO] Nos contrats de prestations de service sont-ils « has been » ?[EDITO]

Emission
Actualités
Date de publication

J’ai animé la semaine dernière, dans le cadre du club Agora des Directeurs de l’Environnement de Travail, un très intéressant débat autour des contrats de prestations de service à l’heure du travail hybride. Avec la variabilité très forte des taux de présence sur site dans la semaine, et même la fermeture de sites le vendredi dans certains cas, je m’interrogeais sur les impacts au quotidien pour les équipes de certaines prestations de service très dépendantes de ce taux de fréquentation : restauration, propreté, accueil, conciergerie, fitness… Preuve que le sujet est d’intérêt, il n’y eu aucune annulation de présence parmi les 47 inscrits, et nous avons même eu le plaisir d’accueillir des non-inscrits en cet énième jour de grève. Un exploit par les temps qui courent !

Je dois d’abord remercier Muriel Havas (BlaBlaCar), Michel Moussa (Sanofi), Manuel Martins (Danone) et Xavier Baron (CRDIA), d’avoir partagé leurs retours d’expérience et leurs visions engagées qui ont permis de pousser un cran plus loin les réflexions sur ce sujet maintes fois débattu.

Il faut dire que le développement fulgurant du télétravail a rebattu les cartes si vite que la question méritait de s’y pencher à nouveau. Le contexte a en effet très vite évolué. Les taux de présence sur site ont subi une telle érosion, notamment les lundis et vendredis, que la question de conserver le même niveau de prestations se pose quasiment partout, certains ayant déjà acté la fermeture de certains plateaux et services communs, voire de sites entiers le vendredi.

Que deviennent les équipes et les contrats dans ces situations ? La réponse, évidemment, varie beaucoup d’une entreprise à l’autre mais globalement, les acteurs ont bien compris l’enjeu : ces prestations sont très majoritairement composées d’heures de main d’œuvre. La réponse ne peut donc qu’être organisationnelle et cela passe par un dialogue renforcé entre le client et son partenaire.

Plusieurs solutions nouvelles émergent. Manuel Martins, par exemple, teste la possibilité de télétravailler le vendredi pour des équipes dont on pensait que cela leur était impossible : accueil, restauration, propreté, sécurité… Résultat : dans 75% des cas, une solution a été trouvée et le travail se poursuit pour augmenter ce chiffre. Michel Moussa travaille sur l’affectation d’agents sur différents sites pour conserver une pleine charge de travail hebdomadaire. Dans les PME, le contexte est différent. Impossible de jouer sur le multisites. Pour Muriel Havas, si les prestations habituelles peuvent se trouver réduites, pas question de modifier les contrats : les équipes propreté, par exemple, réalisent le vendredi d’autres tâches ponctuelles prévues au contrat, telles que le nettoyage renforcé de certaines zones ou le vitrage.

Au-delà de ces adaptations, je m’interrogeais sur l’évolution même des contrats de prestations de service. Doivent-ils évoluer vers les prestations à l’usage ? Comment intégrer cette flexibilité plus grande de la charge de travail ? Le débat, vif et passionnant, s’est engagé sur la façon même de construire ces contrats. Xavier Baron a plaidé pour l’abandon des prescriptions en termes de charge de travail (nombre d’heures, etc.) et des descriptions précises des tâches à effectuer pour se concentrer sur les objectifs recherchés. Des contrats de deux pages maximum, de type contrat d’intérêt commun dont un exemple est en accès libre sur le site du CRDIA. Des contrats basés sur la liberté d’organisation, la confiance et le dialogue renforcé et régulier entre le client et son partenaire. Un plaidoyer qui n’est pas nouveau et difficile à mettre en œuvre certes, mais qui infuse et braque le projecteur sur la vraie question : quelle valeur ajoutée cherche-t-on ? et pour qui ?

Michel Moussa a répondu en partie en expliquant que l’avis des utilisateurs finaux de ces prestations, les collaborateurs, devait être mieux entendu et pris en compte dans l’évaluation de la qualité des prestations. Il imagine un système d’étoiles qui permettrait à chacun de noter sa satisfaction vis-à-vis des différents services. Les résultats pourraient même influer sur le système de bonus/malus, voire la poursuite ou non du contrat. Des contrats, on le voit et qu’on le veuille ou non, qui doivent se mettre à la page du télétravail et de l’avis client !

Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une très belle semaine et vous propose de recevoir le replay de sa dernière table-ronde portant sur « l’hygiène et la santé au travail : quels enjeux ? quelles innovations ? » avec Catherine Cara (DET de Manutan), Marjorie Dumont-Crisolago (Preventech) et Clémence Andrieu (Levebvre-Dalloz) : ici

Lionel Cottin
Directeur de la rédaction