Dans un entretien télévisé, Olivier Salleron, Président de la Fédération Française du Bâtiment, indiquait récemment qu’il faudrait, d’après tous les spécialistes, entre 20 et 30 milliards d’euros, chaque année, pour que la filière atteigne les objectifs de décarbonation fixés à horizon 2050. Or, en cumulant l’effort public et privé, c’est, d’après lui, autour de 6 milliards d’euros qui sont consacrés, bon an, mal an, à la rénovation énergétique des bâtiments. Très, très loin donc du minimum requis.
Au même moment, l’Etat annonçait le deuxième report, après celui de 2021 à 2022, de la date limite de déclaration des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires sur la plateforme Operat, désormais fixée au 31 décembre 2022. Le communiqué de presse annonçant le report précisait que cette année 2022 serait considérée comme une année d’apprentissage. Une entrée pour le moins prudente, donc, dans une démarche initiée il y a… 12 ans, lors de la loi dite du Grenelle II.
Alors, entre lenteurs administratives et sous-investissements, que faire ? Qui va payer ? Doit-on d’ores et déjà considérer les objectifs de neutralité carbone des bâtiments comme inatteignables ?
Les solutions techniques existent pourtant. Avec ses quatre bâtiments IntenCity implantés à Grenoble, Schneider Electric a par exemple démontré la possibilité de réduire d’un facteur dix la consommation énergétique de vastes ensembles immobiliers tertiaires en exploitation. Le réseau « smart grid » développé à l’échelle du quartier permet même de fournir les immeubles voisins lorsque la production des quatre mille mètres carrés de panneaux photovoltaïques excède la consommation.
Il s’agit donc avant tout d’assurer des programmes de financement stables et simples à mettre en œuvre (aides à revoir, à amplifier et à simplifier d’urgence, mobilisation du secteur bancaire…) et d’établir une planification forte, à l’échelle du pays comme des entreprises.
A ce titre, l’initiative « Accélérateur Morning » lancée par l’opérateur d’espaces partagés est intéressante. Il s’agit d’un programme d’accompagnement de solutions responsables pour le second œuvre et la construction doté d’un budget de 25 k€. Dix projets seront sélectionnés sur une période de 6 à 9 mois. Ce type de démarche mériterait d’être soutenu et déployé plus largement dans toutes les entreprises.
Il s’agit aussi de former et d’accompagner tous les professionnels concernés, en construction comme en exploitation, pour qu’ils modifient leurs habitudes. Dans une étude toute récente du RICS britannique, 76% des professionnels européens de la filière construction/exploitation déclarent qu’ils ne font aucune mesure opérationnelle des émissions de carbone sur leurs projets…
Enfin, le dernier obstacle, et pas des moindres, auquel il convient de s’attaquer énergiquement, est la formation des professionnels du secteur de la rénovation. En l’état actuel, le secteur est en effet tout bonnement incapable d’absorber le surcroît d’activité que devraient générer les travaux de rénovation nécessaires à l’atteinte des objectifs de décarbonation des bâtiments. Olivier Salleron évoque encore 50.000 embauches à effectuer et un vrai plan de bataille devrait être mis en œuvre pour attirer et former des milliers de jeunes supplémentaires chaque année dans les cursus de formation spécialisés.
Les objectifs de décarbonation de la filière bâtiment à horizon 2050 semblent aujourd’hui bien difficiles, voire quasi impossibles, à atteindre sans un sursaut rapide et énergique. Les solutions techniques existent mais les financements, l’accompagnement, la planification et la formation sont défaillants.
Espérons que les décisions viennent vite et fort. Sans quoi nous pourrons clouer tous les avions au sol, parquer tous les paquebots à quai et fermer tous les barbecues (qui, cumulés, doivent représenter moins de 5% des émissions de gaz à effet de serre contre 23% pour les bâtiments), nous raterons nos objectifs et, avec eux, la chance de conserver une planète accueillante pour les générations futures.
Reste la piste de la sobriété énergétique à très court terme. Plusieurs mesures du plan gouvernemental, dévoilé jeudi dernier, concerne d’ailleurs les bâtiments et les environnements de travail. C’est un axe important et bienvenu mais attention à ce que la sobriété ne cache pas la forêt des actions à mettre en œuvre pour atteindre la neutralité !
Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une semaine pleine d’efficacité énergétique et vous donne rendez-vous très vite pour sa table-ronde consacrée au travail hybride et à la façon d’accompagner la transition (lien ci-dessous pour recevoir le replay dès sa sortie !).
Lionel Cottin
Directeur de la rédaction
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