[EDITO] Le bureau devient-il une fête ?

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L’ethnologue Pascal Dibie, auteur de l’« Ethnologie du bureau » (éd. Métailié, 2020), constatait récemment que le bureau devenait une fête. Il réagissait aux petits-déjeuners et autres pots organisés pour encourager les collaborateurs à revenir au bureau après la levée du protocole sanitaire.

Au-delà de cet épisode conjoncturel, Pascal Dibie prédisait qu’à l’avenir, l’expression « se rendre au bureau » ne revêtirait plus le même sens. Selon lui, le bureau représentera alors un lieu d’expérience et de socialisation, aux prestations trois étoiles, souvent plus confortable qu’à la maison.

Même si la réalité est tout de même un peu moins étoilée pour de nombreux salariés, on ne saurait lui donner tort. L’expérience collaborateur devient en effet un des fondamentaux des nouveaux projets immobiliers et la crise sanitaire a plus que jamais mis en lumière les questions relatives à la qualité de vie au travail.

Une qualité de vie au travail qui passe, entre autres, par un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, élément désormais plébiscité par une large part de la population active. Dans cette perspective, la possibilité de télétravailler une partie de la semaine devient un avantage prisé. A tel point que même « celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom » (je ne parle pas de Lord Voldemort mais du flexoffice) est mieux accepté s’il s’accompagne de jours supplémentaires de télétravail. C’est vous dire !

Quoi qu’il en soit, cette évolution des modes d’organisation du travail illustre, pour Pascal Dibie, la fin d’une vie sociale rythmée par les fameuses « heures de bureau » et le décloisonnement progressif entre vie privée, vie publique et vie professionnelle qui est à l’œuvre. D’après lui, les réseaux sociaux sont même devenus la nouvelle machine à café des entreprises !

Mais alors pourquoi revenir au bureau ne peut-on s’empêcher de se demander, à l’instar de beaucoup de professionnels de l’environnement de travail ?

La réponse se trouve en grande partie dans les dimensions collective et informelle du travail.

Nonobstant l’aspect purement relationnel (de loin le plus motivant pour les salariés), de nombreuses études ont mis en évidence l’importance de se retrouver en présentiel pour résoudre collectivement des problèmes complexes et s’ajuster. Par ailleurs, les études montrent également que les échanges informels (dont ceux de la fameuse machine à café qui est loin d’avoir été supplantée par les réseaux sociaux) ont été parmi les éléments qui ont le plus manqué aux télétravailleurs contraints durant la pandémie.

Rappelons au passage que les plus jeunes générations sont aujourd’hui celles qui expriment à la fois le souhait le plus fort de pratiquer le télétravail et celui de travailler au bureau ! Les dernières études de Steelcase indiquent ainsi que les jeunes générations ont une vision relativement plus favorable que leurs aînés du bureau. Ils considèrent en effet le lieu de travail comme une ressource : un endroit avec les bons outils, un moyen d’accéder à la pointe de la technologie et le meilleur endroit pour être reconnu et progresser dans sa carrière.

Comme me le disait récemment le sociologue Xavier Baron, notre façon de produire n’est plus liée à la maîtrise des horaires mais à une succession de systèmes d’organisation individuels qui doivent alimenter une production collective. La manière d’animer et de faire travailler ce collectif dans ce nouveau contexte est un enjeu de taille pour l’entreprise et ses managers. Et il n’est pas certain que le bureau reste longtemps une fête pour eux…

Tout l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite néanmoins une semaine aussi festive que possible !

Lionel Cottin
Directeur de la Rédaction

A lire : « Ethnologie du bureau », de Pascal Dibie (éd. Métailié, 2020).