EDITO: Créons-nous des lieux de travail « anti-humains » ? 

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Cette semaine, plusieurs informations ont retenu mon attention. Il y a d’abord eu cette annonce de la Métropole de Lyon qui va proposer à près de 60% de ses salariés de tester des formules de la semaine de travail à 4 ou 4,5 jours. C’est, à ce jour, la plus importante collectivité de France à se lancer dans l’expérimentation. Sans doute le fait que le leader hexagonal du sujet, la société LDLC, soit implanté à Lyon n’est-il pas étranger à l’initiative… La petite musique de la semaine de 4 jours ne cesse donc de monter. Ce qui est intéressant, ce sont les motivations citées par les responsables de la Métropole pour justifier la proposition : attractivité, équité, santé. Un tryptique qui structure de plus en plus les réflexions des acteurs économiques sur les modes d’organisation du travail.

L’autre information est plus inquiétante. Elle concerne une autre tendance majeure de l’évolution de nos façons de travailler et même du travail tout court : l’automatisation. Une recherche publiée dans un nouveau livre intitulé “Work 3.0” – par Siddhartha Bandyopadhyay, professeur d’économie à l’Université de Birmingham – avertit que des « perturbations technologiques incontrôlées » pourraient conduire à des lieux de travail “anti-humains”. Le livre avertit que les nouveaux types d’outils d’automatisation et de solutions numériques pourraient prendre le pas sur le travail humain.

La recherche effectuée au sein de l’université révèle que la transition vers ces outils peut entraîner une augmentation du chômage, une concurrence accrue pour les emplois au salaire minimum et une plus grande inégalité. Le professeur Bandyopadhyay prévoit que de nombreux travailleurs dont les emplois seront automatisés par les nouvelles technologies auront du mal à se requalifier et il enjoint les dirigeants et les gouvernements à en prendre conscience et à faire en sorte que la transition numérique ne laisse pas une part importante de la main-d’œuvre sur le pavé.

L’ouvrage illustre son propos avec l’exemple de la société informatique Accenture qui a annoncé en avril 2022 que 150 000 nouveaux collaborateurs travailleraient dans le Metaverse en utilisant des casques de réalité virtuelle dès leur premier jour de travail. Que va-t-il se passer pour les autres ou pour ceux qui ne s’y feront pas ? Et pour les personnes dont les fonctions se trouveront impactées par cette nouvelle forme de travail ?

Les auteurs militent pour que de nouveaux programmes soient créés pour soutenir les efforts de reconversion et de requalification des employés remplacés par l’automatisation. Des programmes qui devraient également contribuer à promouvoir une approche équilibrée de l’adoption de la technologie, qui valorise toujours les contributions humaines et favorise des environnements de travail inclusifs.

Alors qu’une récente étude* nous révélait que deux tiers des managers remplaceraient volontiers le travail humain par des outils d’intelligence artificielle, à performance comparable, et que presque sept sur dix pensent que les outils d’IA permettront de réduire les salaires, on peut mesurer le degré d’urgence des recommandations issues de cette recherche universitaire. N’est-il, d’ailleurs, déjà pas trop tard ?

Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une très bonne semaine.

Lionel Cottin
Directeur de la rédaction